Tu joues avec moi ? On peut prendre une machine à voyager dans le temps, revenir à l'époque innocente et rêver à nouveau d'atterrir sur la lune avec une brouette et une formule magique. Tu joues avec moi, dis ? Tu ne te souviens donc pas du temps où on descendait les étoiles à coup de sourires bien placés ? Quand on démembrait les constellations par la seule force de notre passion ? Penses-y: on était invincibles. Des guerriers, les mots au poing. Des idéalistes, de grands rêves pleins la tête. Sans non-dit, sans compromis, sans contredit. On était parfaits dans notre imperfection, la beauté au coeur du chaos, l'harmonie dans la discorde. Souviens-toi: on se pensait immortels.
Mais, un funeste jour, le temps a pointé son doigt assassin, jaloux de notre petit paradis. Il a déchaîné les flammes au coeur de notre passion, allumé la mèche de l'explosif dissimulé sous le tapis, il a précipité le compte-à-rebours de notre bombe à retardement. On a enfoncé le bouton d'auto-destruction.
On a grandit.
Et qu'est ce qu'ils sont devenus, nos rêves d'enfants ?
Imagine. Peut-être qu'ils sont là, quelque part dans les tréfonds de l'univers. Au delà de l'horizon du réel, les imaginaires que nous avons inventés, ces êtres qui ont peuplés nos nuits et nos jeux, ils s'éveillent probablement quelque part, doucement. Ils ont la couleur des mots, dans leurs yeux on aperçoit l'impossible, au bout de leurs doigts étincelle l'infini. Avec nous ils étaient fiction: dans leurs veines coulaient l'utopie, leurs gènes étaient de songes et leurs souffles de mirages, mais maintenant ils sont libres. Libres de nous. Alors ils résident dans l'ailleurs, ils possèdent l'utopique, le chimérique, le fantasmagorique. Leur univers se suspend dans le confins de l'espace stellaire, multitude d'îles ailées sous les rayons de lunes. Des terres suspendues flottant dans l'intervalle du vide, surplombant l'océan de nuage et dévisageant les astres en robe de soie avec toute la grandeur des reines immortelles. Particules d'archipels, planètes perdues dans un système solaire improbable, un éden flottant dans les myriades étoilées. Un monde sans nom n'existant sur aucune carte stellaire, une utopie sur-mesure, conçue spécialement pour l'arrivée des divinités chimériques. Imagine nos irréels dans leur cimetière de rêves oubliés.
Ce ne serait pas merveilleux ? Les voir se transformer, se construire, s'humaniser. Ils devront forger leurs opinions, façonner leur image, entraîner leurs goûts et tester leurs limites. Ils connaîtront le frisson d'un souffle chaud au creux de la nuque, l'éblouissement d'un coucher de soleil sous une mère de nuage, le délice d'un met sucré fondant sous le palais, le charme d'un champs de fleurs aux fragrances de parfums légers et sauvages, la sensualité des nuances d'un instrument à la mélodie enjôleuse et le plaisir de la caresse des éléments contre la douceur d'une peau. Et ils baigneront dans la magie enchanteresse pour l'éternité, entourés de créatures fantastiques et de paysages animés. Evidemment, ils traverseront aussi les caprices de l'humanité, les peines d'un coeur brisé, les effrois d'une situation inextricable et les menaces de la guerre. Ils devront sillonner des champs de météorites enflammées comme des fleuves de larmes salées, verront le sang couler sur les collines d'un corps tombé et la vieillesse balayer les espoirs d'un sourire immaculé. Mais c'est cela, la réalité. C'est cela, être en vie. Imagine.
Accueil
